Une reconnaissance sans témoin
Dans la gratitude, il y a quelque chose que personne ne t’enseigne, une forme de reconnaissance qui ne se dit pas avec des phrases parfaites, ni avec cette voix pleine de bons sentiments qu’on attend parfois de nous, mais plutôt avec cette lenteur douloureuse de ceux qui ont appris à remercier non pas pour ce qu'ils ont reçu… mais pour ce qu’ils ont traversé sans s’effondrer, ce qu’ils ont porté en silence sans aucun bruit et ce qu’ils ont compris sans que personne ne leur explique.
Ce n’est pas la gratitude du bonheur absolu ni celle des jours faciles, ce n’est même pas celle qu’on ressent après un miracle ou une réponse à une prière, non… c’est cette gratitude étrange… incomprise, qui arrive parfois au milieu d’un manque, au cœur d’un vide, dans l’après d’un adieu, quand le cœur est encore un peu brisé mais qu’il continue de battre malgré tout, sans savoir vraiment pourquoi, mais en sachant très bien pour qui.
C’est une gratitude où la voix est absente, qui ne cherche pas à se montrer… qui existe dans la manière dont on continue d’avancer même quand on ne sait plus exactement où l’on va et dans cette façon de regarder le ciel sans rien dire, de sourire à quelqu’un sans expliquer pourquoi… de se rappeler sans le vouloir.
C’est aussi cette forme de tendresse qu’on offre aux jours passés… même ceux qui nous ont blessés, car on sait qu’ils ont participé à ce que nous sommes aujourd’hui et qu’on ne peut pas renier ce qu’on est devenu sans effacer aussi ce qui nous a façonnée…
Et parfois, cette gratitude prend le visage d’un nom qu’on n’a plus prononcé depuis longtemps, d’un souvenir qu’on pensait avoir effacé, d’un battement de cœur qu’on croyait révolu, mais qui revient… doux, presque flou, presque rien… sauf qu’il est assez fort pour nous rappeler qu’il y a des traces qui ne s’effacent jamais, même quand tout a changé.
Alors oui… je suis reconnaissante, pas pour ce qu’on m’a offert, mais pour ce que j’ai appris sans recevoir… pas pour ce qu’on m’a dit, mais pour ce que j’ai compris seule… pas pour ce qu’on m’a promis, mais pour ce que j’ai construit malgré les silences.
Je suis reconnaissante pour les absences, pour les retards, pour les départs…parce qu’ils m’ont appris à rester entière, à rester fidèle à cette part de moi qui, même brisée, continue d’aimer.
Cependant si aujourd’hui je remercie la vie, ce n’est pas parce qu’elle m’a tout donné, mais parce qu’elle m’a tout pris… sauf l’essentiel.
Nadia B.