Lettre à la Vie
À toi, Vie étrange, imprévisible et parfois cruelle…
Je n’ai pas toujours été cette femme que tu vois aujourd’hui.
J’ai été simple, douce même, marchant au bord de tes chemins, protégeant ma bonté comme un secret trop fragile. Je t’acceptais comme tu venais, sans défier tes tempêtes, sans questionner tes trahisons. J’étais en paix avec moi-même, avec mes rêves modestes, avec mon cœur qui battait doucement.
Mais un jour… tu m’as surprise.
Tu t’es retournée contre moi avec une violence que je n’attendais pas.
Tu as frappé mon cœur, l’as durci, l’as remodelé comme une pierre qu’on taille à coups de marteau. Tu m’as forcée à devenir une autre — une version de moi que je ne reconnaissais pas, que je n’avais jamais voulu rencontrer.
Tu as rétréci mes jours jusqu’à ce qu’un incendie éclate en moi.
Et tu m’as poussée vers un chemin… un chemin que je n’ai jamais choisi.
Un détour que tu as tracé sans mon accord, comme si ma volonté ne comptait pas.
Et alors, Vie… j’ai dû apprendre tes jeux, comprendre les masques des gens, leurs dédales, leurs ombres.
J’ai dû jouer comme eux, me glisser dans leurs règles, et malgré moi, j’ai commencé à prendre ma place au milieu d’eux — non pas comme une victime, mais comme leur égale, parfois même comme leur maîtresse.
Et pourtant, ce que j’ai gagné, je l’ai payé de moi.
Parce qu’aujourd’hui… J’ai peur de moi pour ce monde, et j’ai peur du monde pour mon cœur.
Je n’aime ni la dureté que tu as plantée en moi, ni la naïveté dont tu m’as dépouillée.
Je me bats chaque jour dans une guerre où je me perds un peu plus.
Entre la peur et la fatigue, tu m’as volé des années.
Tu as assassiné mon innocence d’une manière sournoise, presque élégante.
Tu m’as forcée sur des routes que je n’aurais jamais prises si j’avais eu le choix.
Et même quand c’est moi qui me suis blessée, tu étais là, silencieuse, témoin impassible de mes fautes.
Il n’y a que moi qui ai payé le prix.
Et je n’oublierai jamais le jour où je me suis effondrée pour la première fois…
C’est normal, après tout :
Celui que tu nourris d’amertume finit toujours avec un cœur qui meurt un peu.
Et pourtant — écoute-moi bien, Vie — malgré tout ce que tu m’as enlevé, malgré la dureté que tu m’as imposée, malgré ces années volées…
Je suis encore là.
Je te regarde en face.
Et je continue de marcher, même avec ce cœur cabossé, même avec ta cruauté tatouée dans mes veines.
Parce qu’au fond, je ne veux plus être ni trop bonne, ni trop dure.
Je veux juste être moi, entière, brûlante, indomptable .
Celle que tu n’as pas réussi à briser.
— Nadia B.